L'association

Une alliance des cusiniers ? pourquoi ?

Entretien avec Xavier Hamon, (re)fondateur de l'Alliance

Comment l’Alliance des « Chefs » est devenue L’Alliance des « cuisinier·e·s »

Lors de la première rencontre officielle du réseau français, à Paris, en janvier 2016, l’une des premières discussions a porté sur le terme de « chef » dans le nom de l’association. Rapidement, à l’unanimité, nous avons convenu que « chef » désigne un statut que nous ne souhaitions pas revendiquer pour plutôt assumer ce que nous sommes au quotidien : des « cuisiniers et des cuisinières».

Si Slow Food possède une vocation internationale, le mouvement avait choisi un mot, à la fois compréhensible et aisément traduisible dans toutes les langues. C’est ainsi que l’Alliance des Chefs s’était naturellement imposé.

Le mot « Chef » représente pour nous une fonction, un statut, une hiérarchie, une position médiatique qui participe à une idée différente de notre métier. La médiatisation du chef a pour conséquence d’en faire un objet promotionnel, de spectacle parfois, qui peut avoir son intérêt dans la sphère médiatique et très bien remplir son rôle dans ce cadre. En effet, aujourd’hui, il n’est pas une fête locale ni un événement culturel, modeste ou d’envergure, sans la présence d’une batterie de chefs, à grand renfort de mise en scène. Ce sont là de belles machines à faire rêver et qui adoubent les cuisinier·e·s de plus en plus jeunes. Mais, s’il existe des manifestations culinaires qui parfois portent un propos engagé, même sur scène, ce n’est pas ce rôle que l’Alliance entend revendiquer.

Le métier que nous exerçons est celui de cuisinier·e, un métier complexe qui demande beaucoup d’humilité et de longues années d’apprentissages. Caractériser le métier de cuisinier·e permet de faire l’inventaire de tout ce qui en constitue sa richesse. En réalisant simplement ce travail d’inventaire de nos connaissances, acquises et à venir, on comprend combien Michel Bras à raison de nous dire « c’est bien plus qu’un métier, c’est une fonction vitale qui anime toute personne qui nourrit les autres ». Michel Bras explique ainsi régulièrement la différence entre le cuisinier·e et la mère cuisinière : le premier a besoin de montrer ce qu’il sait faire, quitte à enrichir à l’excès le plat, à prouver son expertise, tandis que la seconde fait ce qu’il faut pour nourrir les siens, partagée entre le goût, l’apport nutritionnel et l’économie familiale. Olivier Roellinger ne dit pas autre chose quand il revendique qu’on le nomme « cuisinier » et non chef.

De notre côté, nous avons choisi (parfois sous la contrainte au regard des considérations du système éducatif pour les métiers de l’artisanat) cette fonction nourricière, avec son sens plus large, plus universel. Plus nous nous l’approprions, plus cette fonction se révèle comme partie intégrante de nous-même. Nous n’en sommes pas moins des chefs d’entreprise, des chefs de brigade, des chefs de cuisine, où la notion de responsabilité est évidemment présente au quotidien.

Mieux même, nous parlons ici de responsabilité environnementale, sociale, de responsabilité en termes de transmission, de formation, dans le respect des propos et en les appliquant. Un chef d’entreprise peut revendiquer ces responsabilités, mais seul le cuisinier·e peut, selon nous, les incarner dans sa pratique et l’évolution de celle-ci.

Voila comment est née L’Alliance Slow Food des Cuisinier·e·s en France.

Xavier Hamon

 

Crédit photo Anne Claire Heraud